De l'ancien régime à 1805 : un hôtel de ville "itinérant"
Les archives municipales ne permettent pas de connaître les lieux précis où se tenaient les assemblées Municipales depuis qu’elles sont autorisées à siéger.
A la fin du XVIIème siècle, un marguillier en charge élu chaque année s’occupe de régler toutes les affaires de la Communauté. Les lieux de réunion sont l’église ou le presbytère. Il y a bien un commandant de la place, mais ses fonctions sont essentiellement militaires.
Ce n’est qu’en 1766 que le corps municipal de Guînes est organisé de façon officielle et qu’il décide de se réunir en dehors de l’église, où se tenaient habituellement les grandes réunions.
C’est dans une chambre du secrétaire greffier, Monsieur DESSAUX, que le conseil se réunit pour les premières assemblées civiles. Sa maison se situe au coin de la Grand’Place et de la ruelle de l’Etoile. Ceci n’exclut pas que les grandes assemblées populaires continuent à se tenir à l’église.En 1774, le conseil municipal a fait bâtir une maison pour son vétérinaire au Parcage. Ce dernier quitte le pays et le corps municipal récupère la maison pour y tenir ses séances. Il y reste onze années. Cette maison présente néanmoins l’inconvénient d’être trop éloignée du centre ville et l’accès en est difficile. Le conseil revient donc sur le Grand’Place, cette fois dans la chambre haute de Monsieur BONTEMPS, son secrétaire.
Cependant, en Mai 1790, alors que l’Assemblée Nationale ordonne la convocation des citoyens pour la constitution de la nouvelle municipalité, il faut encore se réunir à l’église faute de disposer d’une salle assez grande ailleurs.
C’est pourtant devant la maison occupée par la municipalité sur la Grand’Place que se déroulent bien des évènements! De cette maison, notamment, sort la municipalité pour les grandes fêtes civiles de l’époque révolutionnaire. Près de la façade sont plantés plusieurs arbres de la liberté, en face de la maison les révolutionnaires brûlent au bout d’une perche tous les titres nobiliaires et féodaux qu’ils peuvent découvrir, ces évènements se déroulent le 21 Novembre 1793.
L’installation apparaît vite comme insuffisante car la chambre de Monsieur BONTEMPS ne peut contenir que 30 personnes. Il est donc décidé de transformer le presbytère de la place de l’église, alors occupé par un instituteur, en maison d’habitation. Mais le dit presbytère est propriété de la nation et on le vend en 1796. De nombreux courriers et discussions s’ensuiventavec de nombreux représentants de l’église. Les réunions alors se tiennent dans deslieux privés et publics.
Difficultés et péripéties pour un hôtel de villle digne de ce nom à Guînes
1805 : Un hôtel de ville sur le côté Nord de la Grand’Place
C’est donc en 1805, sous le mandant de Monsieur de GUIZELIN, que le conseil municipal propose, pour la première fois, de faire l’acquisition d’une maison sur la Grand’Place pour y installer son Hôtel de Ville. Il faut trouver l’argent pour cet achat : il est question de vendre la maison du vétérinaire et même la Tour de l’Horloge pour en faire un moulin à vent.
En 1808, la maison LALANCE de la Grand’Place est enfin achetée, moyennant une rente annuelle à dame LALANCE qui a un douaire viager sur ladite maison.En 1809 débutent les travaux de ce premier Hôtel de Ville, le bâtiment est achevé l’année suivante (1810).
1825 : une vente publique mouvementée
Le vendredi 15 avril 1825, la foule se presse au premier étage de la Mairie pour une vente publique. Soudain, le plancher s’écroule, plusieurs personnes sont blessées.
Les travaux de réparation du plancher sont immédiatement réalisés, le Maire omet de demander l’autorisation préalable au Préfet, ce qui lui sera reproché.
1842 : Pour un projet éducatif
De 1842 à 1862: l’Hôtel de Ville agrandiEn 1842, le conseil municipal décide d’acquérir un immeuble contigu à l’Hôtel de ville en vue de son agrandissement ; en effet, l’édifice est trop petit, les archives sont conservées à l’humidité, les objets et livres donnés à la Mairie par le Docteur DEBONNINGUE, mort en 1841, tiennent trop de place. Le bâtiment en question est acquis en 1845.
De 1853 à 1862 : «Le dernier round»
En 1853, sous le mandat de Monsieur d’ANGERVILLE, la décision est arrêtée pour la reconstruction de l’Hôtel de Ville. Pendant ce temps, il continue de pleuvoir sur les archives municipales!En novembre 1855, le maire propose de contracter un emprunt de 50 000F pour le nouvel Hôtel de Ville. Cette proposition est rejetée par 21 voix contre 11.Le 14 Février 1856, on vote à nouveau sur ce projet de reconstruction, le vote est acquis à une large majorité mais faute de finances suffisantes, le projet est encore reporté.
C’est le 13 février 1860 que l’on vote un emprunt de 50 000 F dont 40 000 F sont destinés à la reconstruction de l’Hôtel de Ville. Les plans retenus sont ceux de l’architecte PICHON qui travaille au projet depuis 1853.
Dans une mairie telle qu’il faut la concevoir pour GUINES, ce dernier prévoit :
- Pour la justice de paix, la grande salle d’audience, le cabinet du Juge de Paix, le greffe et un cabinet pour les témoins qui doivent être momentanément isolés de l’audience.
- Pour les services de la Mairie : la grande salle du secrétariat, le cabinet du maire, une salle pour les mariages et les réunions du conseil de révision, un cabinet d’archives, la bibliothèque, le cabinet du commissaire de police. Les prévisions portent encore sur le logement de l’appariteur, une double prison, un corps de garde, un emplacement pour les pompes à incendie, les poids et balances, le marché au lin, les miroirs et latrines publiques et un local pour les ventes mobilières..
Malheureusement, le prêt de 50 000 F nécessaires à la construction n’en finit pas d’être accordé et des interventions en haut lieu sont nécessaires.
1862 : l’Hôtel de Ville de Guînes, version définitive
Le 21 avril 1862 a lieu l’adjudication des travaux, LIGNY, entrepreneur à GUINES est déclaré adjudicataire des travaux après un rabais de 5%, pour un devis d’ensemble qui s’élevait à 39 400 F. Un Hôtel de Ville provisoire est installé dans l’immeuble d’un ancien libraire, à l’angle de la rue Flament. On réussit à loger le matériel des Sapeurs Pompiers, le Juge de Paix, le secrétariat de Mairie et même les livres de la bibliothèque DEBONNINGUE.
Un cahier des charges précise les matériaux à employer:mortier composé de 2/3 de chaux grise de MARQUISE et 1/3 de sable des dunes de CALAIS, briques de MERVILLE, pierres de taille STINKAL, pierres blanches de MARQUISE, charpente en sapin rouge ou en chêne, ardoises d’ANGLETERRE.
Les travaux de démolition de l’ancien Hôtel de Ville débutent en mai 1862.Suivent des discussions animées en réunion de conseil municipal sur l’état des anciens pignons et sur l’opportunité de les conserver ou de les abattre. Une question qui réussit à mettre tout le monde en révolution à GUINES ! Finalement, suite à la visite d’un expert, ils sont démolis.
La Grand’Place de l’époque était autrefois la basse cour du château féodal de GUINES (rasé lors de la reprise de GUINES aux anglaispar leDuc de Guise).
On retrouve d’abord la plaque de la cérémonie inaugurale de 1810. Puis, en bordure des deux maisons, on découvre une muraille descendant à plus de trois mètres en dessous du niveau actuel, ainsi que des maçonneries de briques rouges. A deux mètres en dessous du niveau de la Place, on trouve un carré de pavés recouvrant une épaisse couche de sable vert.
On met également à jour des niveaux d’incendie et une grosse pierre portant des traces de dorure, on découvre enfin des boulets de fer et de pierre, ainsi que diverses monnaies.
Des niveaux perturbés, des directions différentes dans les constructions, des fossés (supposés) non rectilignes ne permettent pas d’établir de relevés intéressants ni de tirer des conclusions sur l’origine de cette partie de l’ancien château.
Le dimanche 24 août 1862, bien que la date indiquée sur une lame de cuivre soit du 17 août, on procède à la manifestation officielle de pose de la première pierre,enprésence des membres du clergé, du conseil municipal, des sapeurs pompiers, puis a lieu un banquet au Salon des Trois Fontaines.
Victor CUISINIER s’occupe du banquet, qui selon ses propres dires, se passe fort bien, pourtant le lendemain, il donne sa démission du conseil municipal…!
En février 1864, l’usine PINART de MARQUISE, dirigée par un Guinois, fait cadeau à la Municipalité de deux candélabres en fonte portant les armes de la ville sur leur face principale.
Le 2 février 1864, le Procureur de SAINT-POL, Monsieur ARNAUD, épouse Mademoiselle de FILLEY. Pour faire honneur à la noblesse guinoise, Monsieur d’ANGERVILLE célèbre le mariage dans une grande salle de l’Hôtel de Ville non encore achevé. Les jours suivants, on marie à nouveau dans une salle de secrétariat «basse et enfumée», précise CUISINIER...
Le 1ermai 1864, après les vêpres, se déroule enfin la bénédiction du nouvel Hôtel de Ville, sans cérémonie ni apparat. Cette bénédiction est l’occasion pour le conseil municipal de réprimander le maire de GUINES, qui n’avait pas jugé bon de convoquer les membres du conseil municipal, ni la compagnie des sapeurs pompiers, ni la musique municipale.Les édiles guinois souhaitent également que tous les mariages se déroulent dans le grand salon, ce à quoi le maire répond qu’il préfère les célébrer dans la salle du sécrétariat.La question de l’ameublement du nouvel Hôtel de Ville est encore l’objet de discussions animées au sein du conseil municipal.
La première manifestation officielle organisée à l’intérieur du nouvel édifice est le banquet donné dans le grand salon à l’occasion du concours agricole cantonal du 17 juillet 1864, présidé par Monsieur le Préfet LEVERT.
Le maire de GUINES a donc préféré reporter au 17 juillet la date de l’inauguration de l’Hôtel de Ville, profitant ainsi de la présence des autorités venues à Guînes pour ce concours cantonal.Une plaque de fonte est placée dans le vestibule ; on y lit l’inscription suivante : "sous l’administration de Monsieur d’ANGERVILLE, Capitaine de Cavalerie en retraite, officier de la Légion d’honneur et Maire de la Ville de GUINES, Messieurs REBIER et WATEL, Adjoints, Messieurs de GUIZELIN Charles, ROUSSEL-SEY, MANIEZ, FORTIN-BOULANGER, VIDAR, BERNAMONT, HENNEQUIN, DELANNOY, DEJARDIN, DEUQUENOY, DUCHATEAU, Le BEUTTE, BUTEL, BOUTILLIER, BIBLOCQUE, LAMARE, MUSELET, BARBE, CUISINIER, BOULANGER et de FILLEY, Conseillers Municipaux. Ce monument érigé d’après les plans et sous la direction de Monsieur PICHON, architecte de la Ville de GUINES a été inauguré le 17 juillet 1864, après avoir été béni par l'abbé MONTEUIS, Curé doyen de Guînes".
Un peu plus tard, le 25 août, Monsieur REBIER, membre du conseil municipal, décide d’offrir une horloge afin qu’elle soit placée au fronton de la mairie. Cette superbe horloge, illuminée la nuit, est considérée comme très utile et d'une nouveauté importante à GUINES. Mais dès ce jour, on cesse de remonter l’ancienne horloge de la tour de la cuve.Finalement, l’Hôtel de Ville a coûté 42 780 F. On regretta que le grand salon ne fût pas suffisamment vaste pour y donner fêtes et bals, mais le plus grand inconvénient de ce salon était acoustique : «on ne s’y entend pas quand on parle tous à la fois», dit CUISINIER.
Dans l’ancien secrétariat, on installe le poste télégraphique en 1869. La fanfare des pompiers se place dans le grand vestibule du bas pour ses répétitions, la salle d’audience de la Justice de la Paix sert pour les opérations du tirage au sort et le conseil de révision ainsi que pour les ventes et adjudications de toute nature.
Le matériel des fêtes est entreposé dans les caves et un jardin est attribué à l’appariteur qui habite au sous-sol.
Dans ses notes datées d’octobre 1869, Mr CUISINIER conclut en espérant que l’Hôtel de Ville durera plus longtemps que celui de 1810 et espère bien qu’on ne reparlera pas d’en rebâtir un autre avant longtemps…
Eric BUY
D’après les archives municipales de la ville de GUINES et les notes manuscrites du Docteur CUISINIER.